Aïkido pour les enfants

Entretien avec Frédéric DELAY, enseignant.

Que peut apporter l’Aïkido aux enfants?

D’abord, on peut dire que si l’Aïkido n’est pas un sport, c’est néanmoins une activité physique complète qui favorise un développement harmonieux du corps. La pratique répétée, et parfois intensive, des techniques de projection et d’immobilisation, comme la maniement du « JO » (bâton) et du « BOKKEN » (sabre en bois, qui est une arme véritable et non une imitation) favorise le développement musculaire tout en permettant un travail tout en souplesse.

Mais c’est surtout sur le plan du développement de la personnalité que l’Aïkido peut-être très bénéfique à l’enfant, ou à l’adolescent.

Déjà,l’engagement dans la pratique exige une certaine rigueur personnelle qui se manifeste en premier lieu par la tenue dans le dojo: on doit arriver à l’heure, se comporter calmement et courtoisement à l’égard de toutes les personnes présentes. Ensuite, pendant le cours, il faut être à la fois attentif aux explications données et aux exercices montrés mais aussi être vigilant pour ne pas se blesser ni faire mal aux autres. Toutefois, si la rigueur, l’attention et la vigilance s’imposent, cela ne signifie pas que l’ambiance est triste, stricte et rigoriste. Dans les dojos l’ambiance, au contraire, est toujours chaleureuse et le temps du cours est aussi l’occasion de passer un moment ensemble, dans un climat amical et bienveillant.

Plus fondamentalement, l’Aïkido est un art martial non violent (nous verrons ce qu’il faut entendre par « non violent ») qui permet de découvrir d’une manière très concrète, dans une relation authentique à l’autre ce que sont les idées de « loyauté », de « sincérité », de « respect » de soi et d’autrui.

Si l’Aïkido est, par essence, non violent, il n’en demeure pas moins un art martial qui suppose que, à chaque fois, l’engagement dans l’action (qu’il s’agisse de l’attaque ou de l’exécution de le technique appropriée) soit véritable et sincère, chacun des partenaires doit donner toute son énergie. En Aïkido rien n’est factice, ni les attaques, ni les techniques mises en œuvre, ni les armes utilisées.

En conclusion, on peut donc dire que l’Aïkido apprend au pratiquant à se discipliner, à s’engager sincèrement dans une relation avec l’autre, à cultiver le calme en contrôlant ses émotions.

Il est aussi une invitation à découvrir un autre monde que celui qui nous est familier puisque l’aïkido est profondément enraciné dans les cultures et philosophies de l’Extrême Orient.

Enfin, l’ultime bienfait de l’Aïkido, pour en enfant, comme d’ailleurs pour tous les pratiquants, quel que soit leur âge, c’est qu’il est avant tout une école de la liberté intérieure, liberté née de la capacité à mieux se connaître, à mieux maîtriser ses émotions. C’est cette liberté intérieure, cette forme de sérénité, qui rend plus apte à nouer des relations vraies avec autrui.

A partir de quel âge peut-on pratique l’aikido?

Sept, huit ans paraît un âge convenable pour débuter l’Aïkido. Mais ce qui compte avant tout, plus que l’âge lui même, c’est la maturité du pratiquant. En effet, la pratique de l’Aïkido implique un effort réel pour acquérir les techniques indispensables pour apprendre à chuter sans risques ou, tout simplement, pour respecter un minimum de discipline pendant le cours. C’est donc aux parents de savoir si leur enfant est capable d’être suffisamment attentif et calme pendant une bonne heure de pratique hebdomadaire.

Pourquoi n’y a t’il pas de compétition en aikido?

L’Aïkido reste résolument opposé à l’idée de compétition, et ce, quelle que soit l’École.

Le principe même de la compétition, qui consiste fondamentalement à mettre des personnes en concurrence, en opposition, afin de désigner un vainqueur, est à l’extrême opposé de la philosophie de l’Aïkido. En effet, si les trois composantes de ce mot «  », « KI », « DO » signifient le « voie de l’harmonisation des énergies », ce concept ne s’applique pas seulement au pratiquant lui même mais aussi aux interactions, aux relations qui se créent entre l’attaquant et l’attaqué; donc entre celui qui donne l’énergie de l’attaque et celui qui va transformer cette énergie dans le cadre d’une technique précise, pour qu’il y ait une résolution harmonieuse de la crise. Dès lors, en aïkido, il n’y a ni vainqueur, ni vaincu; chacun des partenaires concourant alors à l’émergence d’un « geste créateur », créateur d’harmonie.

Cette idée peut, a priori, sembler abstraite mais très vite, lorsque l’on pratique régulièrement, on peut ressentir que le geste d’Aïkido, sans rien perdre de son efficacité martiale, tout en étant esthétique, n’est jamais l’affrontement de deux forces antagonistes qui cherchent à se vaincre mais au contraire harmonisation de deux énergies qui vont se rencontrer d’une manière fulgurante dans un geste (une immobilisation par exemple, ou une projection – souvent spectaculaire pour un spectateur novice-) qui résoudra la crise, à l’origine de l’attaque, sans dommage, ni pour l’attaquant ni pour l’attaqué (uke et shite dans le vocabulaire de l’aïkido).

Donc, s’il est bien pratiqué, et dans l’esprit de son fondateur, Maître Morihei UESHIBA, et de ses disciples, notamment Maître KOBAYASHI (qui a inspiré la création de notre Académie), il ne peut n’y avoir ni vainqueur ni vaincu. Or, sans vainqueur ni vaincu, il n’y a pas de compétition.

Pourquoi en Aïkido n’y a t’il pas de ceintures de couleurs?

La réponse ici est dans la continuité de ce qu’il vient d’être dit au sujet de la compétition. Dans un dojo, nul besoin d’afficher une quelconque supériorité. Dans un dojo, chacun a sa place, du plus ancien au plus jeune, du plus expérimenté au plus débutant. Ceci ne signifie pas que dans le dojo il n’y a pas une hiérarchie. Mais c’est une hiérarchie naturelle, fondée exclusivement sur l’expérience de la pratique, sur la compétence. Cette hiérarchie là se perçoit quasiment instantanément dès les premiers pas sur le tatami.

La seule distinction visuelle entre les pratiquants est celle que l’on remarque entre ceux qui portent le « hakama » (bleu foncé ou noir, à la convenance de chacun), dès le 1er dan en général, et ceux qui sont en « dogi » blanc jusqu’au grade de 1er kyu.

Cette règle correspond à l’esprit de l’Aïkido qui veut que l’on soit toujours « un débutant »; c’est à dire que l’on est toujours en recherche sur une voie d’amélioration personnelle.

Ainsi, dans les dojos d’Aïkido, les plus gradés pratiquent sans réserves avec les moins expérimentés et les débutants. D’ailleurs il est évident pour un pratiquant confirmé que les progrès dans la discipline ne sont possibles que si l’on est précisément capable de bien pratiquer avec un débutant, avec un plus faible (par exemple un enfant). L’idée de la transmission du savoir et des valeurs de l’Aïkido est fondamentale dans la pratique. On peut même dire que la pratique est indissociable de l’enseignement et de la transmission.

 

Qu’est ce que cette « robe noire »?

Cette « robe noire » le plus souvent tellement bleu foncé qu’elle paraît effectivement noire, est en réalité un pantalon très large et ample, le « hakama ».

Hakama Aikido Tetron Tradition - Bleu Marine

Le « hakama » est le vêtement que portaient les fameux samouraïs, un pantalon très large, très long, pour faciliter les mouvements et surtout pour dissimuler les déplacements des pieds lors des combats au sabre.

C’est donc ce vêtement, confortable, traditionnel dans les arts martiaux japonais, adapté aux déplacements rapides et furtifs des pieds, que portent les pratiquants d’Aïkido.

Il convient toutefois de préciser que cette référence à la tradition des samouraïs ne signifie pas pour autant que la pratique de l’Aïkido, qui n’existait pas en tant que tel à l’époque, est une transposition moderne des techniques et de la philosophie de ces guerriers mythiques. Si l’Aïkido est en effet porteur de valeurs martiales fortes (notamment la loyauté, le respect de l’autre, le courage, la sincérité dans l’engagement) la philosophie profonde qui l’anime, comme ses techniques, sont davantage issues de grandes traditions qui se sont développées au cours des millénaires en Inde, en Chine et au Japon que de celle des samouraïs.

Pourquoi dit-on un art martial « non violent »?

Alors là, voilà une question pas facile du tout!

Le terme même de « martial » évoque d’emblée l’idée de guerre, de combat, donc celle de violence.

Mais en réalité, en Aïkido, cette contradiction n’existe pas. L’Aïkido est fondamentalement non violent. Son essence même est non violente. Si la pratique est violente ce n’est pas de l’Aïkido.

Le pratiquant d’aïkido ne va pas chercher à faire mal, à vaincre un adversaire, à l’éliminer comme dans un combat où il doit nécessairement y avoir un vainqueur et un vaincu, un ennemi à mettre hors de nuire.

Toute la subtilité de l’Aïkido est d’arriver à résoudre un conflit sans le recours à la force et à la violence.

La pratique est totalement structurée par des principes forts qui peuvent se résumer par des formules, à la fois simples dans leur expression et très profondes dans leur sens; ainsi, on dit, pour résumer l’esprit non violent de l’Aïkido:
– ni domination, ni soumission, ni compromission.
– esthétique, éthique, efficace.

Ceci veut dire que dans l’affrontement, le pratiquant d’Aïkido va chercher, par la maîtrise des techniques acquises, sa sérénité intérieure, la confiance en lui et sa capacité à surmonter la peur ou l’aversion de l’Autre, à résoudre le conflit d’une façon harmonieuse; c’est à dire sans chercher à répondre par de la violence. Le geste d’Aïkido est beau, donc juste, parce que non violent.

Ainsi, si l’Aïkido est une vois exigeante, qui nécessite un travail sur soi constant, physiquement et moralement, elle est d’abord un cheminement vers plus de liberté intérieure, une belle façon d’aller à la rencontre de l’Autre d’une manière authentique, d’abord en se découvrant soi-même, en « s’apprivoisant » et en dominant ses propres peurs. Il est tellement vrai que la violence trouve d’abord sa source en chacun d’entre nous, dans nos peurs et dans nos enfermements…

Celui qui s’engage sur la voie de l’Aïkido, et qui persiste, va trouver devant lui un long chemin au cours duquel il apprendra progressivement à mieux se connaître pour mieux rencontrer l’Autre.